Fondations : pourquoi et comment ?
La curiosité
résulte souvent du hasard. Dans mon cas, ce fut l'acquisition, à
l'automne 2009, dans une brocante, d'un lot
d'ouvrages de la collection
Nelson, certains encore munis
de leur jaquette. Parmi ces derniers, la série "Le Mouron Rouge" offrait les signatures de Frédéric Auer, Maurice Berty, Jacques Poirier et Jean Routier. Plus tard, l'identification de ces illustrateurs montra que la production de Jean Routier était mal documentée et que même sa biographie était incertaine. La recherche d’images me ramenait sans cesse aux seules jaquettes de la collection Nelson. Toutefois, la fréquentation du très savant site consacré aux éditions Nelson (1) ne fit que renforcer mon intérêt et attiser ma curiosité : il recense 45 ouvrages auxquels est associé le nom de Jean Routier, le plus souvent par la réalisation de l'image de la jaquette, plus rarement par des illustrations à l'intérieur du volume ; il ouvre aussi une perspective sur d'autres productions, notamment publicitaire ; surtout, il a provoqué mon engagement, puisque j'ai proposé aux "3 P" - auteurs de Nelson's Collections - de rédiger une notice sur cet illustrateur.
Baronne
Orczy.- La vengeance de Sir Percy.
Couverture
mobile illustrée par Jean Routier (signature en bas à gauche).
Paris :
Nelson Éditeurs, 1957 [l'édition originale est datée de 1952 ;
c'est la dernière couverture que Routier a signée pour cet éditeur].
Source :
http://www.collectionnelson.fr
-(Grande collection 247)
|
La couverture la plus réussie est, selon moi, celle du roman de Kipling, Sous les déodars, datable de 1925.
Mais que de chemin à parcourir pour dépasser la livraison de simples éléments biographiques. En l'absence de regard interne (autobiographie, entretiens dans la presse) ou externe (critiques, témoignages), je suis actuellement bien empêché d'écrire une biographie qui aurait du sens. Font même encore défaut la plupart des séquences obligées du parcours recomposé des caricaturistes et dessinateurs de presse par les nécrologies, parcours caricatural tel que le définit Bertrand Tillier (2) : « le milieu familial, la formation première, l'obsession du dessin, la reconnaissance des aînés, les débuts de caricaturiste, les étapes et les rencontres décisives. » Tout est à faire et les sources semblent limitées : pas de fonds particulier, pas d'archives constituées repérées, pas de témoin oral, mais seulement les traces ténues et ponctuelles de toute vie ordinaire – comme les actes administratifs – et bien sur les œuvres dont le corpus reste à constituer.
Je n'ai d'autre choix que d'accumuler patiemment
les matériaux. La
méthode sera celle du puzzle et la démarche quasiment
archéologique. Privée de
postérité, l’œuvre n'existe actuellement que sous forme de
vestiges dispersés. Il s'agira de
collecter ces fragments, de les confronter, de les assembler et d'en
donner une interprétation. Aucun indice ne sera négligé, même
minime. Il s'agira en somme d'épuiser le sujet, au
sens de Georges
Pérec dans sa Tentative
d'épuisement d'un paysage parisien
(1975).
Différence majeure, ce
n'est pas un paysage visible et vivant qu'il s'agit de décrire, mais
une vie passée dont ne subsistent que des bribes.
Le
blog m'est apparu comme la meilleure forme de diffusion de ces
enquêtes, adaptée aux aléas de la recherche et autorisant redites
et repentirs, bref, un certain désordre, sans souci exagéré de l'image finale. Il permet surtout de réfléchir à haute voix et de poser
des questions. En appelant ainsi l'attention sur Jean Routier, j'espère susciter des réactions, des apports documentaires, voire des témoignages.
(2)
Tillier (Bertrand).- A la charge ! La caricature en France de
1789 à 2000. Paris : les éditions de l'Amateur, 2005, 255
p. [p. 83]
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