dimanche 27 décembre 2020

 Garder la ligne

 

 Un accroc au régime

     Parmi les histoires sans paroles publiées dans les Annales politiques et littéraires, cette bande en quatre images convient pour illustrer les fêtes de fin d'année. 

 

Jean Routier - Les Annales politiques et littéraires, 2092, 1923-07-29, p. 122. Coll. part.

      L'histoire de cette dame à tête d'oiseau qui succombe en passant devant la vitrine d'une pâtisserie a été l'occasion de rechercher d'autres productions de Jean Routier mettant en scène le souci du corps, voire l'obsession de la ligne. J'en ai trouvé trois s'échelonnant entre 1921 et 1925. 

 

Scènes bourgeoises et commentaire de l'actualité


Jean Routier -Le Journal,  1921-04-18 -gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France
 

 

Jean Routier -Le Journal,  1922-06-20 -gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France

 

Jean Routier -Le Journal,  1925-12-17 -gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France

      Ces trois dessins parus en première page du Journal, presque centenaires, ont perdu toute force comique pour le lecteur de 2020. Regard graphique et, de ce fait, éphémère sur l'actualité, le dessin de presse ne trouve son sens que relié aux événements qui l'ont provoqué. Petit tour d'horizon des contextes.

- Le premier dessin, intitulé "Tout baisse", joue sur les mots "diminution" et "barème". En avril 1921, dans un contexte de hausse des prix des produits de première nécessité, André Paisant, sous-secrétaire d’État au ravitaillement dans le ministère Briand, a pour tâche de ramener à un taux plus raisonnable le prix des denrées alimentaires. Il met en place un barème pour les bouchers et les restaurateurs, mal accepté par les détaillants. Certains doutent de son efficacité et par conséquent de la baisse des prix. Les journaux publient quotidiennement des informations sur ce thème qui donne naturellement lieu à de nombreuses plaisanteries et à des dessins. Face à son épouse qui dit avoir diminué de taille, le mari, amusé, demande quel est le barème appliqué.

 - Le deuxième fait allusion à l'affaire du "cadavre dans la malle" qui a passionné l'opinion entre 1920 et 1922. Le procès de Madame Bassarabo, accusée d'avoir assassiné son mari et de l'avoir transporté dans une malle, s'ouvre le 6 juin 1922 [1]. La légende du dessin de Routier est un clin d’œil à l'actualité. 

- Le troisième se situe à un moment délicat du Cartel des gauches (1924-1928) confronté à des difficultés financières et monétaires. L'émission de billets, remède à la crise de trésorerie, est source d''inflation.  Le ministre "inflationniste à regret" évoqué par Routier est Louis Loucheur, ministre des finances d'un ministère Briand, qui voulait sortir de l'inflation en finançant les dépenses par des impôts nouveaux, et se heurta à la Commission des finances de la Chambre ; il démissionna le 16 décembre 1925 et fut remplacé par Paul Doumer.

En règle générale, les dessins du Journal sont assez modérés, observant le plus souvent avec bonhomie les travers de la société [2]. Les dessins de Jean Routier, tout à fait dans le ton du journal, manifestent toutefois son goût pour le commentaire politique ; il l'exercera, de manière plus incisive, quand il sera en charge de la couverture hebdomadaire du Cri de Paris, entre fin 1931 et 1939.

Annexe

Les difficultés de Louis Loucheur, vues par Henri-Paul Gassier.
 
H.-P. Gassier -Le Journal,  1925-12-7 -gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France

 Au centre, Louis Loucheur tenant le portefeuille des finances, défendu par A. Briand, Président du Conseil.

Notes

[1] Voir un résumé de l'affaire dans Le Journal du 7 juin 1922, sous la signature de Geo London, chroniqueur judiciaire : Les procès sensationnels. Mme Bassarabo va répondre aux assises du mystérieux assassinat de son mari. 

[2] Relevé des dessinateurs ayant travaillé pour Le Journal pendant les mois considérés (avril 1921 ; juin 1922 ; décembre 1925) : Avelot, Capy, Faivre, Falké, Gassier, Genty, Guillaume, Hémard, Kern, Métivet, Nob, Pavis, Poulbot, Roubille, Roussau, Sem, Willette.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire