vendredi 31 décembre 2021

 Humour domestique et politique (1)

     Ce qui pourrait apparaître aujourd'hui dans certains dessins des années 20 comme de l'humour domestique avait pour le lecteur de  l'époque une résonance politique. Leur compréhension demande donc de faire retour à l'actualité telle qu'elle était transcrite par les journalistes.


Jean Routier -Le Journal,  1921-01-24 -gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France


     Une loi du 29 décembre 1920 autorisait la ville de Paris à percevoir une taxe municipale sur l'emploi des domestiques et une autre sur la possession de pianos, harmoniums et orgues. Les contribuables devaient déclarer d'une part leurs employés permanents (domestiques, précepteurs, gouvernantes) et d'autre part leurs pianos et autres instruments imposables. Ces mesures suscitèrent naturellement des interventions de politiques (Joseph Denais - avocat, conseiller municipal mais aussi co-directeur de La Libre Parole - proposa de les remplacer  par une taxe sur les étrangers résidant à Paris), de musiciens professionnels (qui réclamèrent un dégrèvement pour leur outil de travail), et de dessinateurs de presse (Hémard, Pavis, Sennep, Routier d'après un recensement en cours). Les chansonniers aussi s'en saisirent ; Dréan reprend un succès populaire créé en 1893 à l'occasion d'une première instauration de taxe sur les pianos supprimée au début du XXe siècle : "Cach'ton piano" [1].

      On comprend mieux l'interrogation du couple dessiné par Routier, face à une domestique cassant la vaisselle avec fracas.

Le Journal,  1920-12-29 -gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France 

















Note

[1]- Texte du refrain :

Si tu ne veux pas payer d'impôts
Cache ton piano, cache ton banjo
Cache ta trompette
Ton tambour avec tes baguettes
Tes castagnettes et tes grelots
Si tu ne veux pas payer d'impôts
Cache ton phono, cache ton saxo
Cache tes claquettes
Ton trombone et ta clarinette
Si tu ne veux pas payer d'impôts
Cache ton piano!